L'échec
de l'école n'est pas une fatalité, voici comment nous la réparons
Nos
écoles emprisones les enfants et sapent leur enthousiasme à
apprendre. Ce n'est pas une fatalité, réparez les comme cela.
Dans
un précédent
article (l'école est une prison), j'ai décrit l'échec de notre
système éducatif, qui emprisonne les corps et les esprits des
enfants et sapent
leur curiosité naturelle et leur enthousiasme à apprendre. J'ai
aussi décrit un paradigme radicalement différent dans lequel les
enfants sont en charge de leurs propres éducations et apprennent de
leurs propres manières avec naturel et j'ai résumé les preuves de
la réussite de cette approche.
En
réponse à cet article, certains m'ont demandé comment ces idées
pourraient être appliquées à une échelle plus large, pour
permettre à tous les enfants d'apprendre de cette façon. Je décris
ici une vision pour le futur de l'éducation dans notre société et
un chemin pour y arriver.
Commençons
avec ce que tout le monde peut déjà voir. Un enfant engagé dans un
apprentissage auto-dirigé est quelque chose de merveilleux à voir.
Sa curiosité illimitée le mène à découvrir les choses qui
l'intéresse et qui ont de l'importance pour lui. Il a de l'entrain
pour explorer, comprendre, jouer avec et ainsi maîtriser ces choses,
et sa joie quand il réussit est palpable. De tels enfants sont
pleinement vivant au monde et à l'apprentissage.
Il
s'agit de ce à quoi l'éducation ressemble pour les enfants qui
n'ont pas encore atteint « l'âge de la scolarisation ».
Comme je l'ai expliqué dans l'article précédent, cela reste ainsi
tout le chemin de l'enfance à l'âge adulte pour ceux qui ont la
chance de garder le contrôle sur leur propre éducation dans des
environnements où ils peuvent continuellement étendre leurs
horizons d'apprentissage. Cela pourrait être comme cela pour tous
les enfants.
Maintenant,
comme une scène qui serait possible dans notre paysage éducatif de
notre futur, imaginez un centre dans votre communauté où les
enfants et les adultes peuvent venir jouer, explorer, avoir de
nouveaux amis et apprendre. Ils pourraient fournir des ordinateurs,
des fournitures artistiques, des livres et des équipements
scientifiques et athlétiques. La bibliothèque publique pourrait
s'associer à lui, en fait le centre pourrait même être considéré
comme une extension du système de parcs et bibliothèques disponible
à l'utilisation par chacun. Il y aurait un gymnase pour les jeux
énergiques à l'intérieur et des terrains et des arbres pour jouer
dehors.
Il
pourrait y avoir des cours offerts sur la musique, les arts,
l'athlétisme, les maths, les langues étrangères, le management
d'affaires, de gestion de finances, de travail du bois et du métal
ou quoi que ce soit que les personnes considèrent comme étant
amusant, intéressant ou suffisamment important pour nécessiter
d'être étudié ou mis en pratique d'une manière structurée.
Certains de ces cours pourraient être enseignés par des experts
locaux qui aiment partager leur expertise. Mais il n'y aurait pas de
conditions ou de comparaisons qui induisent du stress entre les
personnes. Les personnes de tout âge pourraient former des groupes
et poursuivre leurs intérêts particuliers.
Les
enfants se précipiteraient dans ce genre de centre, non pas parce
qu'ils le doivent, mais parce que c'est là où ils pourraient
trouver leurs amis et des choses excitantes à faire. Le centre
pourrait fournir aussi de la garde d'enfant, d'une manière efficace
qui tire parti de la joie et du bénéfice que les enfants plus âgés
reçoivent en aidant à prendre soin des plus jeunes. Dans cet
environnement où les âges sont mélangés, les jeunes enfants
apprennent continuellement de nouvelles aptitudes et les mettent en
pratique de manières penser élevés à travers leurs interactions
avec les plus âgés, et les plus âgés gagnent un sens de leur
propre maturité et apprennent à encourager et apprendre des
aptitudes de soutien en interagissant avec les plus jeunes. Ce sont
les façons dont les enfants sont naturellement conçus pour
apprendre.
Ceux
qui joignent et utilisent le centre participeraient à sa gouvernance
par des moyens démocratiques. Ils pourraient recruter plusieurs
adultes et peut-être des adolescents pour aider à organiser les
activités journalières. Les membres décideraient démocratiquement
des règles de comportement et un système qui les renforcerait. Un
tel centre serait un complément merveilleux aux opportunités
d'apprentissage déjà disponible pour l'enfant à la maison (à
travers la famille et Internet) et ailleurs dans la communauté.
Il
s'agit juste de l'un des scénarios possible du futur de l'éducation
que j'envisage. Les environnements varieront d'un lieu à un autre en
accord avec les besoin et désir locaux. Le dénominateur commun est
que l'éducation est comprise comme quelque chose qui s'élève de
l'entrain et l'instinct naturel de l'enfant, leur curiosité, leur
attention, leur esprit de jeu, leur sociabilité, leur désir de
comprendre le monde qui les entoure, le désir de faire ce que les
enfants plus âgés et les adultes peuvent faire et le désir de se
préparer eux-même pour le futur, non pas comme quelque chose qui
leur est imposé. Notre responsabilité publique est de fournir des
environnements dans lesquels ces entrains et instinct naturels
peuvent opérer avec un maximum d'efficacité pour tous les enfants,
et non pas seulement les enfants nés de parents ayant des revenus
moyens ou élevés.
*
Notre
système de scolarisation publique est supposé être un « grand
égaliseur », mais ce n'est pas le cas. Il fait échouer les
enfants qui viennent de familles économiquement pauvres à un niveau
bien plus élevé que ceux qui s'en sorte mieux. Ce n'est pas une
surprise. Le système de scolarisation compétitif d'enseignement et
d'évaluation qui met en oppositions les élèves face à d'autres
élèves dans une effort d'obtenir des niveaux, creuse une tranchée
entre ceux qui savent déjà et ceux qui ne savent pas.
Ceux
qui peuvent apprendre à la maison sur une base plus large que
l'école, peuvent être performant dans cet environnement (du moins
dans le système de mesures par niveaux) parce qu'ils n'ont pas à
apprendre de choses nouvelles. Ceux qui n'ont pas les mêmes
avantages à la maison doivent essayer d'apprendre ce que les autres
savent déjà, et le stress de l'échec rend cela quasiment
impossible. Certains développent une croyance fataliste en leur
propre stupidité, d'autres laissent tomber, que ce soit physiquement
ou juste mentalement, de la totalité de cette entreprise. Et ainsi,
à chaque niveau scolaire, le fossé entre le plus et le moins
s'agrandit davantage.
Les
enfants venant des familles économiquement pauvres sont nés avec
les mêmes entrains et capacités pour s'éduquer eux-même que ceux
qui ont plus de moyens, mais ils ont besoin d'un aménagement de leur
environnement qui leur donne de l'énergie pour leur permettre de le
faire. Ils ont besoin d'un cadre où ils peuvent voir des personnes
réelles qui aiment lire, écrire, partager des idées et faire de la
politique. Ils ont besoin d'un cadre où ils peuvent connaître des
personnes réelles qui sont médecins, ingénieurs ou chefs
d'entreprises, ou encore d'autres qui ont atteint des statuts sociaux
qu'ils n'ont pas l'habitude de rencontrer chez eux ou dans leur
voisinage.
Ils
ne trouvent rien de cela dans nos écoles d'aujourd'hui. Ils le
trouveront dans des centres communautaires et d'autres environnements
éducatifs que j'envisage pour demain. (Bien sûr, la transformation
de l'éducation n'est pas la solution complète pour les problèmes
d'inégalités et de pauvretés dans notre société. Nous avons
aussi besoin d'approcher ce problème par d'autres moyens, quel que
soit l'environnement éducatif.)
*
Le
besoin d'une transformation éducative vers un modèle dans lequel
les étudiants sont en charge de leur propre éducation est plus
apparent aujourd'hui que cela ne l'a jamais été. Le monde change
rapidement, d'une manière qui a de puissantes implications
éducatives. N'importe quels enfants et adultes avec une connexion
Internet peuvent avoir accès aux informations du monde. En quelques
cliques, ils peuvent trouver de l'information, des théories et des
arguments qui répondent à une question qui les intéressent.
Cela
devient ensuite le combustible de leurs propres pensées, qui peuvent
ensuite être partagées avec d'autres, partout dans le monde, pour
alimenter d'autres pensées critiques et partages. Nos enfants sont
d'excellents utilisateurs de ces outils puissants, quand ils sont
libres de les utiliser.
L'éducation
auto-dirigée n'a jamais été aussi facile. Elle n'a aussi jamais
été plus essentielle pour réussir. Notre économie qui change
rapidement met l'auto-motivation, l'innovation et la capacité à
acquérir de nouvelles aptitudes et évaluer de nouvelles idées tout
le long de la vie comme étant une priorité. Les personnes n'ont pas
à être farci d'informations pré-filtrées mais ils ont besoin de
se sentir capable de chercher et penser les informations pertinentes
à partir de leurs propres questions. Heureusement, cette capacité
est naturelle à tous les êtres humains, elle existe chez tous les
enfants. Nous devons simplement arrêter de l'écraser.
L'allure
du changement est telle que nous ne pouvons pas prédire ce que les
élèves d'aujourd'hui auront besoin de connaître pour les métiers
de demain. Il y a de moins en moins de sens à enseigner un programme
standardisé. Une chose que nous savons toutefois est que notre
économie et notre société bénéficieront (et récompenseront)
d'une grande diversité de talents et d'idées. Imaginez donc un
monde dans lequel notre enfant qui grandit comme les branches d'un
arbre qui se dirige dans toutes les directions pour trouver le
soleil. Nous n'avons pas besoin de les diriger, nous avons juste
besoin de leur fournir l'environnement éducatif où ils pourront se
diriger par eux-mêmes.
*
Certaines
personnes se demandent si nous pouvons nous permettre de telles
transformations éducatives. Bien sûr, nous le pouvons. Notre
système actuel d'école forcé nous coûte 600 milliards d'impôts
chaque année (aux États-Unis,
états et localités ensemble) et encore 50 milliards en frais
d'écoles privées. Selon la façon dont vous faites le calcul, nous
dépensons en moyenne, quelque chose entre 10.000$ et 13.000$ pour
l'année d'un enfant, de la maternelle jusqu'au lycée.
Avec
une telle somme, imaginez les opportunités éducatives qui pourrait
être offerte pour faciliter une éducation auto-dirigée. L'argent
n'est pas le problème. L'éducation auto-dirigée est bien moins
coûteuse que l'éducation forcée du haut vers le bas précisément
parce qu'elle est auto-dirigée. L'école démocratique où j'ai
conduit certaines de mes recherches, où les élèves contrôlent
leur propre apprentissage, fonctionne sur un budget par élève qui
est environ de moitié de celui des écoles publiques des environs.
*
Comment
allons-nous aller de ce point-ci à celui-là ? Comment
allons-nous devenir une nation où tous les enfants peuvent apprendre
de la manière dont ils sont conçus pour apprendre ? La
transformation devra venir de la base. Notre institution éducative
et nos leaders politiques sont en général incapables de mener une
telle transformation. Ils ont un trop grand nombre d'intérêts
investi dans le statu quo. Ils persistent continuellement à réformer
dans une direction puis dans une autre parce qu'ils réalisent que
notre système éducatif est cassé. Mais ces réformes ne remettent
jamais en question le paradigme fondamental, et c'est pourquoi, sur
le long terme, les réformes ont toujours été inefficaces.
Nous
avons besoin de transformer le paysage de l'éducation plutôt que de
le réformer. Cette transformation a déjà commencé, non pas à
l'intérieur du système scolaire standardisé, mais à l'extérieur.
Avec chaque année qui passe, un pourcentage toujours plus grand de
familles font sortir leurs enfants des écoles publiques et privées
parce qu'elles voyent la nuisance que l'école inflige et les
bénéfices d'une approche différente.
Un
grand nombre de ces familles choisissent pour leurs enfants
l'apprentissage auto-dirigé à la maison et d'autres trouvent ou
créent des écoles démocratiques. Certaines écoles démocratiques
et centres de ressources communautaires pour l'apprentissage
auto-dirigé ouvrent en centre-ville en visant délibérément pour
le mélange d'enfants venant familles ayant des revenus moyens et bas
et en offrant gratuitement les frais d'inscription pour ceux qui ne
peuvent pas payer. Ces personnes mènent le chemin de la
transformation éducative. Alors que davantage de familles suivent,
davantage d'autres personnes verront que l'éducation auto-dirigée
fonctionne et que la cadence à laquelle les familles sortiront de la
scolarisation standard va accélérer.
Les
familles qui arrêtent d'envoyer leurs enfants dans les écoles
conventionnelles, deviendront un groupe de vote toujours plus
puissant. Ils insisteront sur le fait que les 600 milliards de
dollars d'impôts publics utilisés actuellement pour soutenir les
écoles coercitives soient utilisées à la place pour enrichir
l'aménagement d'opportunités d'éducation libre. À un certain
moment de ce processus, notre système d'écoles publiques et privées
actuel arrivera à une croisée des chemins, soit il se transformera,
soit il n'aura plus aucune pertinence.
Certaines
personnes pensent que le genre de transformation éducative que je
décris ici n'est qu'une utopie fantaisiste, mais ce n'est pas le
cas. Elle prend déjà place et l'allure à laquelle elle se met en
place accélère. Je suis un scientifique, un réaliste et une
personne qui a vécus suffisamment longtemps pour voir des
changements très positif en direction d'une augmentation de la
démocratie et des droits humains dans notre société.
Nous
avons fait de grand pas des droits de l'homme en direction des
Afro-américains, des femmes et plus récemment des gays et
lesbiennes. Le besoin de transformation dans l'éducation que j'ai
décris ici ne concerne pas simplement la façon dont on améliore
l'éducation dans notre culture, il s'agit aussi d'une question en
rapport aux droits de l'homme. Nos enfants ont le droit et ont
besoin, pour leur bien-être, de jouer, explorer et apprendre de la
manière que la nature la voulut.
En
utilisant les mots de Victor Hugo, « On
peut résister à l'invasion d'une armée, mais pas à une idée dont
le temps est passé. »
Publié
par Peter Gray le 07 Septembre 2013 et traduit par Michaël Seyne le
12 Avril 2015
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