mercredi 20 mai 2015

Libre d'apprendre BLOG20, Comment détériorer le jeu de l'enfant : Surveiller, Encenser, Intervenir

Comment détériorer le jeu de l'enfant : Surveiller, Encenser, Intervenir
Comment apprécier et ne pas détruire le jeu des enfants.


Mon âme a été touchée par un grand nombre de merveilles de la nature, par les feuilles orange et jaunes scintillantes du soleil de l'automne, par les colverts atterrissant avec douceur sur les eaux du crépuscule, par les nuages dérivant tandis que je suis allongé sur le dos et que je regarde le ciel. Mais de toutes les scènes de la nature que j'ai aimée et qui m'ont fait méditer, aucune ne m'ont enchantées autant que celles d'enfants en train de jouer, jouer par eux-même sans adulte pour les guider ou les interrompre. Intervenir dans le jeu des enfants me semble être la même chose que le fait de tirer sur un colvert qui vient d'atterrir sur l'eau.

Mes mots sont de pauvres substituts pour ces véritables scènes, mais laissez-moi essayer de communiquer deux exemples qui m'ont ému davantage que n'aurait pu le faire une quelconque poésie. Il n'y a rien de particulier à ces exemples, il s'agit de jeux comme on en voit partout. Ce qui les rend spéciaux à mes yeux est que je les observais et les appréciais de la même façon qu'une personne écoute un concert ou admire une belle peinture.

Je les rapporte ici pour, d'une part essayer de partager leur beauté, mais aussi pour montrer comment les adultes pourraient les avoir détériorés en surveillant, encensant ou dans n'importe quelle intervention qui arrive si souvent de nos jours. Ces deux exemples se sont produit dans ma paroisse. Je les présente avec le temps au présent comme une tentative de peindre un portrait verbal.


Exemple 1 : Un jeu de passe la balle

À la fin du service du Dimanche. Ennuyé par la pause-café des adultes, je monte à l'étage dans une large salle ouverte où les enfants jouent parfois tandis qu'ils attendent que leurs parents finissent de socialiser. Quatorze enfants, des deux sexes dans une échelle d'âge allant de 3 à 12 ans jouent à se passer un ballon avec une balle gonflée d'environ deux fois le diamètre d'un ballon de basket. Quatorze corps humains de tailles largement différentes se déplacent rapidement, suivant chacun un chemin plutôt aléatoire, chacun à son allure et style. Et d'une certaine façon, tous les quatorze, grâce à la balle verte brillante se mélangent ensemble dans un même flux.

J'ai l'impression d'assister à une belle danse chorégraphiée, mais il n'y a pas de chorégraphe. Personne ne domine, personne n'est laissé à l'écart, personne ne bouscule qui que ce soi, personne ne se plaint, tous les cris sont des cris de joie. Tous les enfants qui veulent la balle la reçoivent pour une période de temps raisonnable. Les joueurs les plus âgés dribblent la balle tandis qu'ils courent avec, défiant les autres de la leur voler, les plus jeunes cours avec la balle dans les mains jusqu'à ce qu'ils l'envoient avec toute la force de leurs bras à un coéquipier en demande.

L'enfant de 3 ans court joyeusement en cercle, parfois avec les bras se débattant au-dessus de sa tête, ne montrant pas du tout d'intérêt pour la balle, simplement enjoué d'être là à courir avec ces merveilleux enfants plus âgés. En dépit de la différence d'âge, de taille et d'habileté à jouer avec une balle, tous les joueurs sont traités de manière égale, comme ayant une valeur égale et chacun méritant d'avoir leurs besoins satisfaits. Le jeu continue tandis que je reste là à l'observer pendant une vingtaine de minutes. Tandis que je regarde, j'apprends des leçons sur le mouvement, le rythme, la coordination et l'expression généreuse de soi dans laquelle la joie vient de l'anticipation et de la satisfaction des besoins et désirs des autres. Je vois la démocratie en action dans sa forme la plus idéale.

Les enfants et moi-même sommes chanceux qu'il n'y ai pas d'autres adultes pour faire attention et que mon attention passe inaperçue. J'ai vu tellement de jeux détériorés par la bienveillance des adultes qui interviennent au nom de la sécurité, parce qu'ils croient que quelqu'un n'était pas traité équitablement ou simplement parce qu'ils ont la croyance de savoir mieux que les enfants comment se déroule un jeu amusant pour les enfants. Les adultes attentifs peuvent détériorer les jeux même s'ils n'ont pas l'intention d'intervenir. Les enfants les perçoivent comme de potentiels protecteurs de la sécurité, solutionneur de conflits et un publique pour les pleurnicheries, et cette perception invite les enfants à agir de manière dangereuse, à se disputer et à pleurnicher. Le jeu nécessite le contrôle de soi et la présence trop flagrante d'adultes peut mener les enfants à renoncer à leur contrôle de soi.


Exemple 2 : La mise ne place d'une décoration de noël

J'aide à organiser une célébration annuelle à l'église appelée « Noël Vert » dans laquelle des membres de la paroisse de tous âges créent des décorations, des papiers d'emballage et des cadeaux inspirés par la planète Terre. Je suis responsable de la décoration naturelle de la table, qui contient des matériaux tels que des pommes de pin, des gousses d'asclépiades ainsi que des graines et des coquilles de différentes couleurs et formes. La table contient aussi un pistolet chaud à colle que les personnes peuvent utiliser pour attacher les matériaux naturels ensemble pour former des décorations qui serviront pour les Arbres de noël ou comme statues sur les tables.

La plupart des personnes font cela de manière plutôt rapide, ayant hâte de faire quelque chose et de passer à la table suivante de manière à pouvoir faire tout le tour. Ils font des décorations volumineuses et tape-à-l'oeil en utilisant une grande variété de matériaux mais ils ne sont pas très soigneux dans la façon de le faire. Tandis qu'ils travaillent, ils rient et blaguent les uns les autres. Ces personnes ne sont pas selon mon point de vue en train de jouer, ou si c'est le cas, leur jeu se trouve dans la sociabilité et non pas dans la fabrication de décoration. Ils font les décorations simplement parce que c'est ce qu'ils sont censés faire à cette table. Pourtant il y a un garçon qui semble avoir entre 4 et 5 ans qui a pris une approche entièrement différente.

Il ne tient pas compte du tourbillon d'activités et d'agitations qui l'entoure, et se trouve lui-même complètement absorbé par son projet. De lui-même il décide de coller des petits haricots blancs sur une grosse pomme de pin d'une telle manière que chacun des soixante lobes de la pomme de pin ait tous un haricot précisément à leur centre. Il ne l'a pas annoncé à qui que ce soit, il a juste commencé à le faire. Son expression est celle d'une concentration intense.

Il utilise le pistolet à colle très précisément avec ses petites mains, il presse une seule minuscule goutte de colle chaude directement au centre de l'un des lobes de la pomme de pin et ensuite, avant que la colle n'ait le temps de sécher, il place un haricot délicatement sur les gouttes de colle. Cela lui demande environ une demi-heure pour finir sa tâche de coller un haricot sur tous les lobes. Pendant tout ce temps il ne se déplace pas de son plan de travail. Il ne dit pas un mot et personne, comme je le constate avec plaisir, ne lui dit un mot.

Tandis que je regarde, une femme me demande si je pense s'il est prudent de laisser un si petit enfant avec un pistolet à colle chaude. Je lui dis que je l'avais observé et qu'il était le plus prudent de tous ceux qui se trouvaient autour des tables. Il est inutile de le mettre en garde ou de faire le collage à sa place. L'avertissement interromprait sa concentration et le remplacement gâcherait complètement son jeu.

Je suis reconnaissant que les parents du garçon et tous les autres qui sont à sa portée soient suffisamment sage pour le laisser se débrouiller seul avec son activité. Imaginez toutes les manières par lesquels un adulte trop impliqué pourrait détériorer son jeu. L'adulte pourrait le priver du défi en faisant à sa place de manière bienveillante les parties difficiles ou « dangereuse » pour lui, il pourrait distraire sa concentration avec des conseils non sollicités ou des commentaires encourageant, en le pressant pour qu'il passe à d'autres projets en lui donnant un temps insuffisant pour compléter celui-ci ou même de simplement encenser son travail d'une façon qui déplacerait son attention du processus (ce qui est le plus important pour lui) vers l'objet produit (qui est moins important).

Comme personne ne le dérange, ce garçon fait l'expérience d'une belle immersion solitaire dans la création artistique et je fais l'expérience de la joie de l'observer et d'apprendre de cela. J'apprends des leçons d'autodétermination, de concentration, de ténacité et de travail minutieux.

Il y a de nombreuses années, Lev Vygostky, un psychologue Russe et un grand observateur du jeu de l'enfant a écrit que lors d'un jeu, l'enfant « se comporte au-delà de son comportement quotidien, …comme s'il était à un niveau plus élevé que le sien. » J'ajouterais que la même chose est vraie pour les adultes. Nous sommes tous à notre meilleur niveau lorsque nous jouons. Il s'agit du sujet de nombreux essais que j'ai déjà présenté dans ce blog, et il s'agit d'un sujet dont il reste beaucoup à dire. Apprenons à chérir le jeu chez les autres comme chez nous-mêmes.

Article publié par Peter Gray le 14 Janvier 2009 et traduit par Michaël Seyne le 20 Mai 2015


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