Libre
d'apprendre
Pourquoi
libérer les instincts pour le jeu rendra nos enfants plus heureux,
plus autonomes et de meilleurs étudiants de la vie
Peter
Gray
Prologue
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Ce livre est consacré à la nature humaine de l'éducation.
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Les enfants viennent au monde avec des instincts ludiques, un curiosité innée et une pulsion énorme pour explorer et absorber leur environnement.
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Ils sont programmés génétiquement avec d'extraordinaires capacités d'apprentissage, autant physiquement (marcher, courir, sauter) qu'intellectuellement (communication).
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Ils apprennent leur langue maternelle et leur culture spontanément sans aucune instruction pour pouvoir s'affirmer en son sein.
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Cette curiosité et capacité d'apprentissage naturelle s'éteint chez l'enfant à cause d'une scolarisation coercitive qui lui est imposé.
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La scolarisation crée une amalgame entre l'éducation et le travail dans l'esprit.
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Grâce à l'étude de travaux de psychologie et d'anthropologie, ce livre observe :
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Comment les enfants sont éduqués naturellement en dehors du système de scolarisation.
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La façon dont la curiosité et l'esprit de jeu chez l'enfant supporte son apprentissage.
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En quoi les enfants de notre culture sont proche des enfants chasseurs-cueilleurs.
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Comment créer des environnements qui maximise l'auto-apprentissage de l'enfant.
« Allez
au diable ! »
Les
mots me frappèrent profondément. J'avais déjà eu l'occasion de me
faire insulter avant, mais jamais aussi sérieusement. Comme par
exemple avec un collègue frustré par mon obstination à refuser de
reconnaître une vérité indéniable ou encore avec un ami qui
réagit à une chose idiote que je peux dire. Mais dans ce cas précis
« Allez au diable ! » était juste un moyen de se libérer
de la tension et de terminer une dispute qui ne menait nulle part.
Cette
fois c'était sérieux. Cette fois, je sentis que j'allais vraiment
aller en enfer. Non pas dans ce lieu mythologique appelé l'enfer où
il y a des flammes de tous les côtés et dont je ne crois pas à
l'existence. Mais dans cet enfer qui peut accompagner la vie dans ce
monde quand vous êtes écrasé par la croyance d'avoir trahi
quelqu'un que vous aimez, qui a besoin de vous et qui dépend de
vous.
Les
mots ont été prononcé par mon fils de neuf ans, Scott, dans le
bureau du directeur de l'école élémentaire publique. Ils n'étaient
pas seulement adressés à moi mais aux sept adultes grands et malins
qui étaient alignés face à lui. Le directeur, deux de ses
enseignants de classe, le conseiller de vie scolaire, une psychologue
de l'enfance travaillant pour le système éducatif, sa mère (mon
ex-femme) et moi-même.
Nous
étions présent, unis face à lui, pour dire à Scott dans des
termes très clairs qu'il devait être présent à l'école et y
faire tout ce que ses enseignants lui demandaient de faire. Nous
avons tous déclaré sévèrement notre part et Scott en nous
regardant directement à nous tous, il nous a dit ces mots qui me
stoppèrent net sur ma lancée. Je commençais immédiatement à
pleurer. Je savais qu'à ce moment précis je devais être du côté
de Scott et non contre lui. Je regardais à travers mes larmes ma
femme, et je vis qu'elle aussi était en train de pleurer, et à
travers ses larmes je vis qu'elle pensait et sentait exactement comme
moi.
Nous
savions tous les deux alors que nous devions faire ce que Scott
souhaitait que nous fassions depuis longtemps, le retirer non
seulement de cette école mais aussi de tout ce qui ressemble de près
ou de loin à cette école. Pour lui, l'école était une prison et
il n'avait rien fait qui ne mérite de l'emprisonnement. La rencontre
dans le bureau du directeur fut le point culminant d'années de
rencontres et de réunions à l'école durant lesquelles ma femme et
moi entendions les derniers récits du mauvais comportement de notre
fils. Ses comportements étaient particulièrement perturbants pour
le personnel de l'école parce qu'il ne s'agissait pas des
polissonneries habituelles que les enseignants s'attendent de la part
de garçons exubérants confinés contre leur gré.
Il
s'agissait plus d'une forme de rébellion planifiée. Il se
comportait délibérément et systématiquement d'une manière
contraire aux directions des enseignants. Quand l'enseignant
chargeait les élèves de résoudre des problèmes de calculs d'une
certaine manière, il inventait une manière différente de les
résoudre.Quand il en arrivait à apprendre la ponctuation et les
majuscules, il écrivait comme le poète e. e. cummings, en mettant
des majuscules et des ponctuations partout où il voulait ou alors
n'en utilisait aucune. Quand une tâche semblait n'avoir aucun sens
pour lui, il le disait et refusait de la réaliser. Parfois, et cela
devenait de plus en plus fréquent, il quittait la salle de classe
sans permission et s'il n'était pas maintenu de force, rentrait à
la maison.
Nous
avons finalement trouvé une école qui fonctionnait pour Scott. Une
école qui est loin d'être « l'école » que vous pouvez
imaginer. Un peu plus tard je vous en dirai un peu plus à son propos
ainsi que le mouvement éducatif international qui en a été
inspiré. Mais ce livre n'est pas consacré à une certaine forme
d'école. Il est consacré à la nature humaine de l'éducation.
Les
enfants viennent au monde avec un désir ardent d'apprendre et ils
sont génétiquement programmés avec d'extraordinaires capacités
d'apprentissage. Ils sont de véritables petites machines à
apprendre. Durant leurs quatre premières années environ, ils
absorbent une quantité abyssale d'informations et de compétences
sans aucune instruction. Ils apprennent à marcher, à courir, à
sauter et à escalader. Ils apprennent à comprendre et à parler la
langue de leur culture dans laquelle ils sont nés et avec ce lequel
ils apprennent à s'affirmer en discutant, en s'amusant, en
s'ennuyant, en se liant d'amitié et en posant des questions.
Ils
acquièrent d'une quantité incroyable de connaissances à propos du
monde physique et social qui les entoure. Cette exploration est
motivé par leurs instincts et leurs pulsions innées, leur esprit
ludique et leur curiosité naturelle. La nature n'éteint pas ce
désir et cette capacité énorme à apprendre quand l'enfant à
l'âge de cinq ou six ans. C'est nous-même qui l'éteignons avec
notre système de scolarisation coercitif. La plus grande et
persistante leçon de l'école est que l'apprentissage est du travail
et qu'il doit donc être évité quand cela est possible.
Les
mots de mon fils dans le bureau du directeur ont changé la direction
de ma vie professionnelle ainsi que de ma vie personnelle. Je suis et
j'étais à cette époque, un professeur en psychobiologie, un
chercheur intéressé par les fondations biologiques des pulsions et
émotions des mammifères. J'ai étudié le rôle de certaines
hormones qui modélisé la peur chez des rats et des souris, et je
venais de commencer récemment à regarder dans les mécanismes dans
le cerveau des rats du mécanisme du comportement maternel.
Ce
jour, dans le bureau du directeur, déclencha une série d'évènements
qui changèrent progressivement le centre de mes recherches. Je
commençais à étudier l'éducation à partir d'un point de vue
biologique. En premier lieu, mes études étaient motivées
principalement par soucis pour mon fils. Je voulais être sûr que
nous ne faisions pas d'erreur en lui permettant de suivre son propre
chemin éducatif plutôt qu'un chemin dicté par des professionnels.
Mais progressivement, en même temps que je fus convaincu que
l'éducation autodirigée de Scott se déroulait à merveille, mon
intérêt tourna vers l'enfant en général et les causes biologiques
de l'éducation humaine.
Qu'est-ce
qui permet à notre espèce d'être un animal culturel ? En
d'autres mots, quels aspects de la nature humaine permettent à
chaque génération d'êtres humains, où qu'il se trouve, d'acquérir
et de construire des compétences, des connaissances, des croyances,
des théories et des valeurs à partir de la génération
précédente ? Cette question m'a amené à examiner l'éducation
dans des environnements extérieurs au système de scolarisation
standardisé comme par exemple à la (non) école remarquable où mon
fils à été présent.
Plus
tard, j'ai observé le mouvement croissant de déscolarisation dans
le monde entier (unschooling movement) pour comprendre comment les
enfants de ces familles étaient éduqués. J'ai lu des travaux
d'anthropologie et rencontré des anthropologues pour apprendre tout
ce que je pouvais sur la vie et l'apprentissage des enfants dans les
cultures de chasseurs-cueilleurs. J'ai étudié la totalité des
travaux de recherche en psychologie et anthropologie sur le jeu des
enfants et avec mes étudiants, j'ai dirigé de nouvelles recherches
dans le but d'avoir une plus grande compréhension de la façon dont
l'enfant apprend par le jeu. De tels travaux m'ont mené à
comprendre comment les fortes pulsions des enfants pour jouer et
explorer servent en réalité les fonctions de l'éducation, non pas
seulement dans des cultures de chasseurs-cueilleurs mais aussi dans
notre culture. Cela m'a amené à des compréhensions concernant les
conditions environnementales qui optimisent les capacités des
enfants à s'éduquer par eux-même à travers leurs propres moyens
ludiques.
Tout
cela m'a conduit à voir, si nous en avions la volonté, comment nous
pourrions libérer les enfants d'une scolarisation coercitive et le
fournir des centres de ressources pour l'apprentissage qui
maximiseraient leurs habiletés à s'éduquer par eux-même sans les
dépriver de leurs droits à une enfance joyeuse. Tous ces sujets
sont contenus dans ce livre.
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