mardi 1 septembre 2015

Libre d'apprendre BLOG26, Le jeu nous rend humain 2 : Achever l'égalité

Le jeu nous rend humain 2 : Achever l'égalité
Les chasseurs-cueilleurs utilisaient l'humour et le jeu pour défaire la domination et atteindre l'égalité

Nous, humains, avons deux façons fondamentalement différentes de nous diriger nous-même au sein des groupes sociaux. L'une d'elles est la méthode de la hiérarchie, de la domination ou de la force. Je n'ai pas besoin de décrire cette méthode en détail, nous sommes tous familier avec celle-ci. Il s'agit de la méthode de diriger dans laquelle ceux qui sont au pouvoir maintiennent l'ordre en disant aux autres ce qu'ils doivent faire. Dans le monde de l'entreprise conventionnelle, c'est là où le patron dit aux employés ce qu'ils doivent faire et dans le monde de l'état civil et des gouvernements nationaux, c'est là où ceux qui sont au pouvoir, que ce soit un pouvoir fondé sur l'hérédité, un coup militaire, l'affectation ou l'élection, décident les lois et s'assure qu'elles soient respectées par le peuple qui doit vivre selon celle-ci. Nous partageons cette méthode de gouvernance avec les animaux qui sont les plus proches de nous. Les mammifères qui vivent dans des groupes sociaux, particulièrement les primates, développent des hiérarchies dominantes dans laquelle ce qui se trouvent en haut contrôle certaines des activités de ceux qui se trouvent en dessous. La source ultime de contrôle dans n'importe quel système de domination réside dans la possibilité pour les individus dominants de blesser le subordonné qui désobéit, en donnant de mauvaises notes aux étudiants, en renvoyant les employés, ou en mettant en prison les contrevenants ou simplement en frappant (physiquement ou psychiquement) ceux qui se comporte d'une manière désobéissante.

L'autre méthode est tellement peu discuté et connu qu'elle ne possède pas de nom qui soit communément accepté. Parfois le terme d'anarchie est utilisé pour s'y référer, mais ce terme transporte avec lui un poids péjoratif parce qu'il est souvent utilisé pour désigner le chaos social. Je ne parle pas du chaos mais de situation dans lequel les personnes respectent des lois de bon cœur et librement et non pas à cause des menaces qui sont imposé par d'autres beaucoup plus puissants. Je me réfère à cette méthode de gouvernance comme étant la méthode du jeu, parce que le jeu est là où nous la voyons le plus clairement et je pense que le jeu en est toujours sa source ultime.


Le jeu social demande à ce que la domination soit mise de côté

Le jeu social est l'ennemie de la hiérarchie et de la domination, il nécessite l'égalité. Cela est vrai dans le jeu de l'animal comme cela l'est dans le jeu de l'humain. Dans leurs vies sérieuses quotidiennes, les jeunes singes, particulièrement les jeunes singes mâles, sont concernés par les statuts. Ils se disputent et combattent pour établir leurs positions dans la hiérarchie de pouvoirs. La force physique, l'ingéniosité et l'habileté à former des coalitions avec les autres contribuent tous à la capacité d'achever un haut statut. L'activité sociale pour laquelle les jeunes singes doivent mettre leurs soucis de statuts de côté est le jeu.

Le jeu par définition ne peut pas être contraint. Si deux singes jouent ensemble ils doivent se sentir tous les deux livres et non pas menacé ou dominé par l'autre. Les jeunes singes aiment jouer à se chasser les uns avec les autres. Ils aiment aussi lutter et de tels jeux sont cruciaux pour leur sain développement. Toutefois pour s'engager dans de tels jeux ils doivent mettre leurs statuts de côté sinon le premier singe qui sera subordonné s'enfuira ou s'immobilisera ce qui terminera immédiatement le jeu. De manière à jouer avec des singes subordonnés, les singes dominants doivent supprimer tous les signes de la domination. S'ils sont plus forts, ils doivent s'auto-handicaper de manière à ne pas surcharger le partenaire de jeu le plus faible. S'ils sont ingénieux, ils doivent utiliser cette habileté pour aider le moins malin et non pas lui faire obstacle. Tous les mammifères ont des signes qui montrent le jeu. Les chiens et les loups qui signalent le jeu est l'inclinaison (l'animal baisse sa garde avant tandis qu'il fait face à son partenaire de jeu). Chez les singes et les gorilles le signal est l'affichage d'une bouche ouverte et relaxé, un visage de jeu est caractérisé par une bouche grande ouverte avec la mâchoire inférieure qui retombe sans aucune tension au niveau des muscles du visage. Chez les chimpanzés, l'animal qui est le plus proche de l'homme, le visage de jeu est souvent accompagné par une vocalisation "ahh, ahh, ahh" qui ressemble au rire rauque d'un être humain. S'il était possible de traduire en Français ces signes ils pourraient l'être comme ceci : "Nous ne faisons que jouer, personne ne va être blessé, nous avons mis de côté notre agressivité et notre position défensive, nous coopérons dans cette activité pour notre amusement mutuel."

Comme je l'ai expliqué dans un article précédent sur la définition du jeu (lien), tous les jeux, même ceux qui semblent être des jeux de combat et de lutte chez les enfants et les singes ont des règles. Les règles précisent les actions qui sont permises et celles non permises, elles servent à garder le jeu organisé et amusant pour tous et empêchent un joueur d'en blesser un autre. Les joueurs suivent les règles parce que le jeu amusant et les joueurs savent intuitivement que le jeu ne le sera plus et se terminera si les règles sont violées. Si un singe échoue à prendre son tour à en chasser un autre ou si l'un pince un peu trop fort, l'autre s'en ira et le jeu sera terminé. Les participants sont motivés non pas seulement à suivre les règles, mais aussi d'aller au-delà des règles pour rencontrer les besoins et les désirs des autres. Dans mes observations des jeux d'âge mixte entre enfants et adolescents j'ai été témoin plusieurs fois des manières par laquelle les joueurs les plus forts et les plus capables modifient leurs actions pour refréner leur domination et de garder le jeu amusant pour tous (voir mon exemple sur le football).

Voici maintenant le point que je suis en train de construire. Chez les êtres humains, l'esprit de jeu peut suffire pour toutes les formes d'activités, ce qui inclut aussi le travail productif et quand il prend place dans la gouvernance il peut surpasser et défaire le mode hiérarchique. Les chasseurs-cueilleurs à travers le monde semblent avoir compris ceci et ils ont utilisé cette connaissance plus ou moins délibérément pour arranger leur entière existence sociale d'une manière qui leur permet d'éviter la hiérarchie, la domination et la coercition.


La nature égalitaire des sociétés de chasseurs-cueilleurs

Le genre de société de chasseur-cueilleur auxquelles je me réfère ici à celles qui sont parfois appelées sous d'autres noms (de l'anglais, société en bandes, société de retour immédiat). Il s'agit des sociétés dans lesquels des personnes vivent au sein de petits groupes indépendants constitué d'environ 20 à 50 individus chacun et qui se déplacent régulièrement d'un lieu à un autre à l'intérieure d'une grande zone limité pour rester toujours à proximité de la faune et de la flore comestible. Aujourd'hui de tels sociétés sont toutes détruites par l'intrusion du monde extérieure, mais il n'y a pas si longtemps que cela, au milieu du XXème siècle, des anthropologues étaient capables de trouver et étudier de telles sociétés dans une grande variété de lieux du monde qui n'avaient pratiquement pas été affecté par les méthodes du monde moderne. Des exemples tels que les Jul'hoansis, les Hadzas, les Mbutis, les Akas, les Éfés en Afrique, les Bateks dans la péninsule Malaise, les Aetas aux philippines, les Nayakas en Inde, les Guayakis au Paraguay, les Parakanas au brésil et les Yiwaras en Australie.

Ces sociétés sont d'une signification spéciale pour tous ceux qui sont intéressés à la nature humaine, parce qu'elles sont supposément représentatives de la manière prédominante dans laquelle les êtres humains vivaient pendant des centaines de milliers d'années avant l'avènement de l'agriculture (qui prit place il y a environ 10.000 ans). Bien que de telles sociétés ne soient pas des copies exactes les unes des autres, elles ont toutefois certaines de leurs fondations remarquablement similaires les unes et les autres. L'une des plus significatives pour illustrer cet essai est qu'elles sont toutes marquées par un égalitarisme extraordinaire et un engagement total pour la coopération et le partage. Les personnes au sein d'un groupe coopèrent pleinement les unes avec les autres, sans distinguer le degré de relation génétique, dans la chasse, la cueillette, le soin aux enfants, la défense contre les prédateurs et toutes les choses qui sont nécessaire pour la survie. Ils partagent toute la nourriture et richesse matérielle de manière égale à l'intérieur du groupe et ils leur arrivent aussi de partager avec les groupes voisins qui sont dans le besoin. Un partage et une coopération d'une telle intensité sont essentiels pour le mode d'existence des chasseurs-cueilleurs, sans lequel, notre espèce n'aurait probablement pas survécu tous ces millénaires avant l'agriculture.

Mes analyses de la littérature anthropologique concernant de telles sociétés m'ont mené à la conclusion qu'ils ont réussie à vivre d'une manière égalitaire hautement coopérative en accentuant délibérément leur esprit de jeu comme un moyen pour supprimer les pulsions de domination que nous, humains, avons hérité de nos ancêtres primates. [1] Quasiment tous les aspects de la vie sociale des chasseurs-cueilleurs semble être imprégnés de l'esprit de jeu. Leurs religions sont ludiques ce qui contraste avec les religions hiérarchiques menaçantes et renfermées qui ont émergées avec l'agriculture et sont établies dans la période médiévale. Leur travail, ce qui inclut la chasse et la cueillette, est ludique. Leur approche du soin de l'enfant est ludique. La nature ludique de la religion, du travail et du soin aux enfants chez les chasseurs-cueilleurs sera l'objet de mes nombreux articles à venir. Pour le moment je souhaite me concentrer sur les moyens, chez les chasseurs-cueilleurs, de prendre des décisions collectives et de maintenir l'ordre au sein du groupe.

Selon les mots de l'anthropologue Richard Lee, les chasseurs-cueilleurs sont «intensément égalitaires ». Cet égalitarisme est indissociable de leur sens dévoué à l'autonomie individuelle. Ils ne croient pas qu'une autre personne ait le droit de dire à une autre personne ce qu'elle doit faire. Les chasseurs-cueilleurs n'ont pas de chefs ou de patrons qui leur donnent des ordres. Dans l'histoire, les leaders viendront plus tard avec la montée des sociétés tribales et de l'agriculture. Les chasseurs-cueilleurs restreignent les possibilités de contrôler les autres par la force et appliquent même cette restriction dans la relation parent-enfant. Les parents peuvent essayer de persuader leurs enfants de se comporter d'une certaine façon mais ils ne croient pas qu'ils ont le droit de donner des ordres pour maintenir un pouvoir. En s'abstenant de donner des ordres et en s'abstenant d'essayer de diriger les uns et les autres, les chasseurs-cueilleurs gardent tout le potentiel de leur vie sociale dans le domaine du jeu. Les groupes prennent des décisions collectives en ayant recours à des discussions importantes et en débattant jusqu'à ce qu'un consensus soit achevé. Les personnes peuvent exprimer leurs opinions avec vigueur mais ils n'utilisent pas des moyens coercitifs pour imposer ces opinions.


De quel façon les groupes de chasseurs-cueilleurs sont comme des groupes de jeu

Cette approche non coercitive pour gouverner fonctionne pour les chasseurs-cueilleurs car le groupe lui-même est similaire de bien des façons à un groupe de jeu social. Les chasseurs-cueilleurs sont des personnes hautement mobile. Ils ne possède pas plus de propriété que ce qu'ils peuvent transporter facilement à pieds, et ils ont tous des amis et des membres de leurs familles dans d'autres bandes, si bien qu'ils peuvent se déplacer à tout moment d'une bande à une autre. Comme lorsqu'une personne jouant à un jeu social est libre de quitter le jeu si elle n'est pas satisfaite, les chasseurs-cueilleurs sont libre de quitter la bande et en joindre une autre si ils ne sont pas satisfait. Mais en même temps, les personnes sont motivés par le fait de garder le groupe ensemble. Un groupe stable est plus efficace pour répondre aux besoins de la survie de chacun que lorsque les membres changent constamment. De plus, les personnes au sein d'un groupe deviennent des amis proches et veulent rester ensemble parce qu'il s'aiment les uns et les autres. Pour pouvoir garder le groupe ensemble, les personnes se comportent de manière à plaire aux autres afin de ne pas les faire partir.

De la même façon, une tentative de contraindre un autre dans un jeu social pourrait le provoquer à quitter le jeu, les tentatives de contraindre les autres dans un groupe de chasseur-cueilleur pourraient provoquer le départ de cette personne hors du groupe. Même les enfants peuvent quitter un groupe pour vivre avec des membres de leur famille d'une autre bande s'ils sentent qu'ils sont mal traités. De la même façon que la liberté de quitter est la source ultime de toute la liberté et de l'égalité dans n'importe quel jeu social et elle est aussi la source ultime de liberté et d'égalité au sein d'une bande de chasseurs-cueilleurs. Les personnes au sein d'un groupe sont motivées par la chasse, la cueillette et la participation aux autres activités du groupe parce que de telles activités, quand elles ne sont pas des contraintes, sont amusante et plaise ce qui permet de garder le groupe ensemble.


L'humour comme un moyen de préserver l'ordre et de prévenir la domination

De nombreux anthropologues ayant vécu parmi des peuples vivant de chasse et de cueillette ont remarqué leur bonne humeur, leurs blagues, leurs moqueries et leurs rires facile. L'humour de cette sorte est commun dans tous les jeux sociaux et il ajoute à la qualité ludique de toutes les interactions sociales. Rire ensemble aide à maintenir un sens de proximité, d'amitié et d'égalité en permettant l'entretien d'un sens du jeu. Des moqueries aimables sont une manière de reconnaître tout en acceptant les défauts d'un autre. Si bien que l'humour lui-même amène l'esprit du jeu dans les activités sociales des personnes et en même temps les motive à appliquer les règles et à coopérer de bon cœur.

Un nombre d'anthropologues ont commenté une autre utilisation de l'humour parmi les chasseurs-cueilleurs qui est de corriger le comportement de ceux qui d'une manière ou d'une autre perturbent la paix ou violent une règle sociale. Par exemple, Colin Turnbull écrit : « (Les Mbuti) ont une nature aimable avec un sens de l'humour irrésistible, ils sont toujours en train de faire des blagues à propos de l'un ou de l'autre, même à propos d'eux-mêmes, mais cet humour peut servir d'instrument de punition quand ils le choisissent. »[2] D'une manière similaire, Elizabeth Marshall Thomas a noté que les Jul'hoansis parmi lesquels elle a vécu ne critiquaient pas les personnes directement, mais le ferait plutôt avec l'humour. Elle écrit : « La personne critiqué n'est pas supposée recevoir une attaque avec les blagues mais doit lui permettre d'en rire avec les autres. En de rares occasions quand le contrôle de soi se brise, ce qui se passa lorsque deux femmes ne pouvaient plus arrêter de se disputer, d'autres personnes se mettaient à faire des chansons à propos d'elles et la chantaient lorsque les disputes commençaient. En entendant la chanson, les deux femmes se sentaient honteuses et devenaient silencieuses. Ainsi la communauté triomphait sans mentionner directement le problème. » [3]

Richard Lee a commenté encore plus directement l'utilisation de l'humour chez les chasseurs-cueilleurs comme un outil pour étouffer les bourgeonnements d'expressions de la supériorité individuelle et pour maintenir le sens de l'égalité. Concernant les chasseurs-cueilleurs en général, il écrit : « Il y a une sorte de sens de l'humour un peu rude, critiquant, se moquant et des blagues sexuelles que l'on rencontre dans le monde des chasseurs-cueilleurs. […] Les personnes sont férocement égalitaires. Elles sont outrés si quelqu'un essaye d'être supérieur ou ostensiblement différent. Ils ont fait évolué, indépendamment il semblerait, des moyens très efficace pour arrêter cela. Ces moyens sont ce ques les anthropologues ont appelé «mise en application de l'humilité » ou des dispositifs d' «égalisation», comme par exemple l'utilisation de blague sévère pour ramener la personne à la ligne. […] » [4]

Dans son livre sur les Jul'hoansis, Lee raconte une merveilleuse histoire sur la façon dont les personnes qu'il étudiait ont tourné leur « égalisation » sur lui. [5] À un moment donné de son travail sur le terrain, Lee décida de récompenser les personnes qu'il étudiait en leur offrant un festin, il leur acheta le bœuf le plus gras (550kg) qu'il puisse trouver dans une communauté fermière proche. Il était excité à l'idée d'annoncer ce cadeau et il espérait que les Jul'hoansis seraient reconnaissant. Quand il annonça le présent, il fut surpris et blessé de voir que les personnes ne répondirent pas avec les mots de gratitude qu'il espérait mais avec des insultes. Par exemple, Benna, une grand-mère de soixante ans, se référait au bœuf comme « un sac d'os » et demandait à l'amusement de tous sauf de Lee, « Qu'est-ce que tu imagines que l'on va pouvoir manger, les cornes ? ». Un homme Jul'hoansis qui avait été le confident le plus proche de Lee lui dit d'un air sérieux et moqueur : « Tu as toujours été honnête avec nous, qu'est-il arrivé pour que ton cœur change ?  Ou bien es-tu aveugle au point de ne pas faire de différence entre une vache convenable et une vieille épave ?» Et un tel humour a continué tous les jours précédant le festin.

Lee avait déjà connaissance de la pratique Jul'hoansi qui consiste à « insulter la viande » lorsque les chasseurs en amènent dans le groupe et à un moment il commença à suspecter que cette pratique était à présent utilisée sur sa personne. Même si sa fierté à fournir un tel cadeau merveilleux avait disparu, son ego masculin avait été blessé. Il s'agissait bien là exactement de l'objectif de ces insultes. Les Jul'hoansis le traitaient ici comme ils l'auraient fait pour l'un de leurs chasseurs qui seraient rentré chez eux avec une grosse proie en échouant à montrer la modestie qui convient à son sujet. Comme l’expliquera à Lee par la suite Tomazho, un sage guérisseur Jul'hoansi : « Quand un jeune homme ramène une telle viande, il en vient à penser de lui-même qu'il est un grand homme et il pense à notre propos que nous lui sommes inférieurs. Nous ne pouvons accepter cela. Nous refusons qu'un d'entre nous se vante, car sa fierté va un jour entraîner la mort de quelqu'un. Si bien que nous parlons de sa viande comme ayant peu de valeur. De cette manière nous calmons son cœur et lui inspirons de la gentillesse. »

L'efficacité de l'humour, dans sa capacité à réduire l'agression et à promouvoir l'humilité, vient, je pense, de sa relation directe avec le jeu. Rendre une dispute ou une vantardise amusante en disant « Ce désaccord qui te met tellement en colère ou cette chose dont tu es si fière n'est pas aussi important que tu le penses. Il s'agit d'un jeu et ce qui est important dans le jeu est d'être un bon amusement. » Quand les chasseurs-cueilleurs utilisent l'humour pour résoudre tous les problème sociaux dont ils font face (même les plus sérieux), ils amènent leur vie sociale dans le domaine du jeu.

La relation entre le rire et le jeu repose profondément dans notre conception biologique. Notre rire à ses racines évolutives dans le visage de jeu du singe, le signal que tous les primates utilisent pour supprimer la domination et permettre le jeu. Le jeu de combat et de chasse qui est accompagné d'un rire, est la forme d'humour originale. Quand les humains de n'importe quel âge où culture, utilise l'humour pour réprimer une véritable bagarre ou décourager un ego sur-gonflé, nous faisons appel à des mécanismes biologiques très primitifs. Nous disons en pratique « Il s'agit d'un jeu, et dans le jeu nous ne souhaitons blesser personne et nous n'agissons pas d'une manière à dominer. » Nous le disons d'une manière qui fonctionne parce que cela nous frappe au niveau instinctif, aux tripes, que nous n'avons pas les moyens de réfuter comme nous pouvons le faire si facilement au niveau intellectuel avec des arguments verbaux.

Et par cette utilisation de l'humour pour promouvoir l'humilité et la paix, les chasseurs-cueilleurs capitalisent sur leurs instincts humains à jouer. Ceux qui sont critiqués à travers l'humour ont trois choix, ils peuvent joindre les autres dans le rire tout en reconnaissant implicitement les bêtises qu'ils ont faite, ce qui les remettent immédiatement au sein du jeu social. Ils peuvent sentir et exprimer de la honte pour les actions qui les ont mené au ridicule, ce qui les ramène dans les bonnes grâces des autres et leur permet progressivement de ré-entrer dans le jeu. Ou bien, ils peuvent mijoter un ressentiment jusqu'à ce qu'ils quittent le groupe ou alors décident de changer leurs façons de faire. Un grand avantage de l'humour comme un moyen de déclencher une réforme comportementale est qu'elle laisse la personne punit libre de faire ses propres choix et ne termine pas automatiquement leur sens de l'autonomie et du jeu, comme cela arriverait si la punition impliquait l'incarcération, la violence physique ou un bannissement forcé.

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Je n'ai pas l'illusion que nous soyons capables, aujourd'hui, de nous en sortir sans un gouvernement hiérarchique. Notre monde social est bien trop large et complexe pour se gouverner entièrement par la méthode du jeu. Au niveau civique, régional, national, mondial, nous avons besoin des règles de la loi et certaines formes de pouvoirs, préférablement formulé d'une manière démocratique, pour les appliquer. Mais à un niveau plus local, par exemple celui d'une école ou d'une entreprise, je pense que nous avons énormément à apprendre des chasseurs-cueilleurs. En suivant leur modèle nous pouvons, je pense, supprimer la coercition et instituer un esprit de jeu dans pratiquement tous les aspects quotidiens de nos vies sociales locales, ce qui inclut notre éducation et notre travail productif. J'en dirai bientôt plus à ces sujets.

Pour terminer je vous demanderais d'imaginer comment le monde aujourd'hui serait différent si ces « titans » de l'industrie et de la finance, qui croient être au-dessus du reste d'entre nous et se verse des salaires et des bonus outrageants tout en étant très déficient en matière d'intérêt pour les autres, s'ils avaient été soumis au début de leur carrière au mode de nivelage des chasseurs-cueilleurs. Quel monde différent aurions-nous ? Aujourd'hui ces personnes ont très peu sensible au sens de l'humour où qu'ils se trouvent, et il est trop tard pour rectifier les dégâts qu'ils ont causés. Mais si nous gardons un tel humour et commençons à l'appliquer au plus tôt des signes de l'apparition de l'arrogance, nous pourrions voir certaines améliorations dans le monde de l'entreprise du futur.

Références

[1] 
Peter Gray. Play as the foundation for hunter-gatherer social existence. American Journal of Play, 1, 476-522, 2009(link is external). All of the ideas presented in this essay are elaborated upon in this academic article. Also, some of the specific wording in the final section of this essay is taken from the article.
[2] Colin Turnbull, The Forest People (1968), p 114.
[3] Elizabeth Marshall Thomas, The Old Way (2006), p 218.
[4] Richard B. Lee, "Reflections on Primitive Communism," in T. Ingold, D. Riches & J. Woodburn (Eds.), Hunters and Gatherers I (1988).
[5] Richard B. Lee, The Dobe Ju/'hoansi, 3rd Edition (2003).

Texte publié par Peter Gray le 11 Juin 2009 et traduit par Michaël Seyne le 29 Août 2015

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