Le
jeu nous rend humain 3, le jeu comme fondation de la
religion
Avoir
la foi est de faire semblant.
Certaines
personnes se sentiraient offensées à l'idée que la religion est un
jeu. Ils diraient que la religion est sacrée et que le jeu est
futile. Comment l'un pourrait être lié à l'autre ? Mais les
lecteurs qui suivent ce blog savent que je vois le jeu comme la plus
haute forme d'activité humaine, si bien que je ne dévalorise pas la
religion lorsque je la décrit comme du jeu.
J'ai
deux points principaux à présenter dans cet essai. Le premier c'est
que toutes les religions trouvent leurs racines dans le jeu. Les
aptitudes cognitives qui rendent la religion possible sont les mêmes
que celles du jeu, dont la principale est la capacité à faire
semblant. Le deuxième point est que la religion fonctionne mieux
quand elle ne s'éloigne pas trop de ses origines ludiques. La
religion qui a perdu son esprit de jeu peut devenir dangereuse. Je
présente ici la logique et les preuves qui m'ont amené à ces
conclusions.
Avoir
la foi est de faire semblant
L'essence
de toutes les religions est d'avoir la foi. Avoir la foi est le fait
de croire sans preuve. Croire sans preuve est de faire semblant.
Faire semblant est jouer.
Tous
les jeux humains
impliquent
un élément de simulation (voir l'essai sur la « définition
du jeu »). Chaque joueur accepte, pendant toute
la durée du jeu, un monde imaginaire particulier.
Au jeu d’échecs
par exemple, le monde imaginaire est celui qui figure l'une des
formes miniatures comme étant un cheval et les chevaux ne peuvent se
déplacer de bonds en L. La forme la plus pure de simulation est
celle que l'on trouve dans les jeux de rôle des jeunes enfants qui
imaginent régulièrement des mondes dans lesquels ils peuvent être
des sorcières, des trolls, des voyageurs de l'espace, des mamans ou
des papas en faisant participer le mobilier de la maison, le canapé
peut alors être une maison hantée,
un pont magique, une autre planète
ou le bureau où travail une maman. Pour entrer dans le jeu, les
joueurs ne demandent pas de preuves que telle
chose ou telle
autre soit vrai, ils décident simplement ou se mettent d'accord que
cela est vrai. Suzie est une sorcière tandis que Jimmy est un troll
pour la simple raison que tous
les joueurs ont décidé et accepté cela. Les vérités des
simulations sont des vérités par choix comme le sont les vérités
des religions et non des découvertes.
Pour
accepter une religion il faut choisir d'accepter de croire aux
vérités de la religion, et dans ce sens au moins, toutes les
religions sont du jeu. Les vérités du jeu sont vraies du moment et
seulement à partir du moment ou le jeu continu. Quand le jeu se
termine, ou pendant les pauses, Suzie et Jimmy peuvent dire qu'ils
faisaient seulement semblant d'être une sorcière et un troll, mais
ils ne l'auraient jamais fait en plein cours du jeu. En fait, il est
impossible pour eux de le dire pendant le jeu, parce que le simple
fait de la dire arrête automatiquement le jeu et crée une pause. La
religion, pour le pratiquant, n'a pas de temps de pause reconnu, si
bien que celui-ci n'a pas d'opportunités pour dire que ses croyances
religieuses sont des simulations même si à un certain niveau de
conscience ils savent que c'est le cas. En fait, si vous êtes
pratiquant d'une religion, prenez le temps de considérer mon
hypothèse. Vous ne perdrez pas votre religion en faisant cela. Votre
pratique religieuse peut même profiter de cet exercice. Les enfants
améliorent leur jeu et deviennent plus dévoués à leur jeu en
faisant des temps de pause hors de ceux-ci en pensant et en
reformulant aux vérités du jeu. La même chose est possible avec
les adultes et la religion.
Mes
pensées à propos de l'esprit ludique de la religion sont issues de
l'année de mes 11 ans, un âge où l'on commence sérieusement à
s'interroger sur le monde qui nous entoure. J’assistais
régulièrement à la messe protestante et à l'école biblique du
Dimanche. Comme un grand nombre de mes amis d'enfance j'avais
beaucoup de difficultés à comprendre comment des personnes
arrivaient à croire en ces histoires. Il était clair pour moi que
la croyance ou le manque de croyance n'avait rien à faire avec
l'intelligence rationnelle. Des personnes bien plus intelligentes et
rationnelles que moi, et d'autres un peu moins, étaient des croyants
pratiquants. Je me souviens que je pensais que la religion était une
sorte de jeu, un jeu sur toute la vie et que les personnes savaient
qu'il s'agissait d'un jeu mais ne voulaient pas le dire. C'était
comme croire au père noël mais avec beaucoup plus de valeur.
C'était une croyance que les personnes gardaient tout au long de
leur vie plutôt que dans leur enfance seulement. [1]
Ces
pensées de l'enfance à propos de la religion reposèrent dans mon
esprit d'une
manière relativement endormie jusqu'à très récemment, quand elles
me remontèrent grâce
à mes lectures à propos des religions sur les chasseurs-cueilleurs.
Comme je l'ai noté dans mon « essai
d'introduction », la totalité de cette série « Le
jeu nous rend humain » a été inspiré par mon immersion
récente dans la littérature scientifique d'anthropologie sur les
chasseurs-cueilleurs.
Les
chasseurs-cueilleurs sont ouvertement joueurs
J'ai
découvert lors de mon immersion que où qu'elles se trouvent, les
sociétés en bandes de chasseurs-cueilleurs (à distinguer des
sociétés tribales bien plus complexes) ont certaines
caractéristiques de base en commun. Parmi ces caractéristiques se
trouve un haut niveau d'esprit de jeu qui se retrouve dans tous les
aspects de leur vie sociale, dont font partie leurs religions. [2] La
nature ouvertement joueuse des croyances religieuses et des activités
des chasseurs-cueilleurs a renouvelé ma pensée concernant l'idée
que la religion où qu'elle se trouve à ses origines dans la
capacité humaine pour le jeu.
Les
religions des chasseurs-cueilleurs sont ludiques et souvent amusantes
Toutes
les religions des chasseurs-cueilleurs sont polythéistes, il y a
plusieurs divinités et ces divinités sont elles-mêmes joueuses.
Elles ne sont pas classées dans un ordre de puissance hiérarchique,
elles ne donnent ni ne reçoivent aucun ordre mais sont les joueurs
égaux de drames prenant place dans le monde de l'esprit qui est
parallèle ou monde physique dans lequel les chasseurs-cueilleurs
vivent. Les divinités elles-mêmes ne sont ni bonnes ni mauvaises,
mais un mélange des deux comme le sont les vraies personnes. Elles
sont souvent capricieuses et imprévisibles. Elles ne sont pas
nécessairement concernées par la morale humaine. Elles peuvent
aider ou blesser quelqu'un juste parce que cela leur chante et non
parce que la personne le mérite ou pas.
Un
personnage commun des religions de chasseurs-cueilleurs est ce que
les mythologues appellent
le « farceur », moitié
astucieux, moitié empoté dont la moralité est ambivalente, il est
celui qui s'arrange
pour intervenir
dans
les
plans les mieux conçus des
autres divinités et humains. Le personnage « farceur »
n'est pas forcément représenté dans une seule divinité, il peut
être un aspect de la personnalité qui circule chez l'une ou chez
l'autre. Les caractéristiques et les actions d'un grand nombre de
divinité sont
comiques.
Cohérent avec leur philosophie égalitaire et leur moyen de se
gouverner eux-même d'une manière non hiérarchique, les
chasseurs-cueilleurs ne vénèrent
pas leurs divinités. Ils n'ont pas de roi sur terre, ils n'en ont
pas non
plus au
paradis. En fait, de la même façon qu'ils utilisent l'humour pour
ramener au niveau un membre de leur bande qui montrerait des signes
d'arrogance (voir le texte
précédent) ils utilisent l'humour pour ramener au niveau toute
divinité qui se penserait plus importante et élevée que les
autres.
Voici
un exemple pris dans le livre d'Elizabeth Marshall Thomas, « The
Old Way » à propos des Jul'hoansi du désert africain
Kalahari :
Gao
Na, l'une des divinités Jul'hoan la plus importante, possède des
caractéristiques qui pourrait nous faire penser au premier regard
comme un Dieu des religions monothéistes modernes. Gao Na est le
créateur de l'univers. Il a commencé par se créer lui-même puis
les autres divinités, puis la terre, l'eau, le ciel, le soleil, les
étoiles, la pluie, le vent, les éclairs, les plantes, les animaux
et les êtres humains. Et pourtant en dépit d'un tel pouvoir
créatif, Gao Na n'est pas particulièrement puissant dans d'autres
domaines ni particulièrement sage. En fait, les Jul'hoansi
dépeignent le portrait de Gao Na comme étant un bouffon.
Dans
les histoires religieuses des Jul'hoans, Gao Na, le créateur de
toutes choses, est incapable de contrôler les êtres qu'il a créés
et il est continuellement la victime des autres. Par exemple, ses
femmes le piègent souvent, encore et encore, en le faisant sauter
dans un trou rempli d’excréments. Elles lui disent qu'il y a un
éland bien gras qui se trouve sous un tas de branche, et alors qu'il
va joyeusement vers les branches, il tombe dans le trou. Plus tard,
après avoir fini de se nettoyer, elle lui raconte une autre histoire
à propos d'une prise qui se trouve sous les branches, et il tombe de
nouveau.
Quand
je pense à cette histoire, je me souviens de cette bande dessinée
ou le personnage principal, Charlie Brown, qui répète sans cesse
que cette fois Lucy ne va pas retirer le ballon au moment où il va
tirer. Comme Charlie Brown, Gao Na, n'apprend jamais. Nous savons
qu'à chaque fois Lucy va retirer le ballon et que Charlie va le
louper et tomber. Nous nous sentons peinés pour lui et pourtant nous
rions. C'est une situation humaine qui est illustré par les
histoires religieuses des Jul'hoan comme ça l'est dans les bandes
dessinées de Schultz.
Les
rituels religieux des chasseurs-cueilleurs ne sont pas distinguables
du jeu
Les
pratiques religieuses de la plupart des chasseurs-cueilleurs incluent
la musique, la danse, parfois des costumes et un grand nombre de
jeux. Les cérémonies religieuses les plus sérieuses pour la
plupart des groupes de chasseurs-cueilleurs sont celles qui implique
les exercices shamaniques. L'objectif principal de ce genre de
cérémonies est la guérison mais elles fournissent aussi une
opportunité pour les membres du groupe d’interagir personnellement
et de manière diverse avec les membres du monde de l'esprit. Les
individus qui ont le pouvoir de le faire (les shamans) entrent en
transe lors de danses dans laquelle ils prennent les propriétés
d'une divinité particulière pour communiquer avec elle.
Un
chercheur, Mathias Guenther, a noté que cet état altéré est
généralement atteint « sans substances hallucinogène mais
grâce à une combinaison de tambours, de chants, de danses qui
s'associent à un épuisement physique. » Il écrit plus loin :
« Souvent le shaman est un comédien qui utilise une imagerie
poétique riche et comique. Il peut chanter et danser, trembler,
hurler et parler dans des langages étranges. Il peut aussi employer
la prestidigitation et la ventriloquie. Les séances shamaniques sont
surtout des performances où il n'est pas rare de voir participer le
public. Cela crée une forme de jeu de rôles qui permet d'engager un
dialogue avec les divers esprits que joue le shaman et qui servent
ainsi de contre-rôles pour les autres. »[3]
Chez
certains groupes de chasseurs-cueilleurs, le groupe entier est
impliqué dans la danse, le chant et les tambours, tous sont alors
shamans ou du moins contributeurs dans l'expérience shamanique. Chez
les Jul'hoansis, pratiquement la moitié des hommes et un tiers des
femmes sont capables d'entrer dans des transes shamaniques. Il
semblerait que dans la plupart des groupes de chasseurs-cueilleurs,
lorsque les esprits sont appelés à s'approcher lors de telles
expériences ils ne soient pas traités avec révérence mais sont
traités de la même façon que chacun se traite les uns les autres.
La communication implique des blagues mutuelles, des moqueries, des
rires, des chants et des danses en plus que les requêtes de
guérison.
Les
anthropologues se réfèrent
aux cérémonies religieuses et shamaniques comme étant des
« rituels », probablement parce que ce terme a
été utilisé pour décrire toutes les cérémonies religieuses qui
ont une sorte de structure régulière la constituant. Mais les
cérémonies ne sont clairement pas des rituels dans le strict sens
du terme, une adhésion sans créativité d'une forme prescrite. En
fait, certains chercheurs sur les chasseurs-cueilleurs ont déclaré
que les « rituels » religieux qu'ils ont observés
ne sont pas distinguable du jeu. [4] Les cérémonies implique
habituellement une grande variété d'actions
auto-déterminés,
créative, imaginative et pourtant guidé par des règles qui
correspond à la *définition
du jeu*.
Les
chasseurs-cueilleurs ne font pas de confusion entre les croyances
religieuses et les observations empiriques,
et le concept d'hérésie n'existe pas chez eux
Les
anthropologues ont souvent décrit les chasseurs-cueilleurs comme
étant des personnes pratiques, peu versé dans la magie ou la
superstition. Les guérisons shamaniques étant une exception notable
qui peut d'ailleurs aboutir à une véritable guérison dans la
mesure où la maladie aurait des composantes psychologiques.
En
général, les cérémonies religieuses des chasseurs-cueilleurs a
plus à voir avec le fait d'embrasser la
réalité plutôt qu'il s'agirait d'une tentative d'altérer la
réalité. Par exemple, dans son livre The Harmless People, Thomas
décrit comment les Gwis (des chasseurs-cueilleurs voisins des
Jul'hoansis) utilisent la danse sacrée de la pluie, non pas pour
amener la pluie
mais pour l'accueillir et prendre part à son pouvoir lorsqu'ils la
voient arriver.
Vivant dans le désert là où l'eau est un facteur limitant pour
toute vie, ils pourraient très bien essayer de danser pour amener la
pluie s'ils pensaient que cela marcherait, mais ils ne croient pas en
de tels pouvoirs. Ils peuvent toutefois se réjouir de la pluie et
utiliser son arrivée pour élever leurs propres esprits et se
préparer eux-mêmes à son arrivée et l'abondance qui va suivre. Un
autre chercheur, Richard Gould, dans son livre Yiwara sur la culture
chasseur-cueilleur en Australie, a rendu compte de la même chose en
montrant que les personnes « … n'essayent pas de contrôler
l'environnement que ce soit dans leur vie quotidienne ou leur vie
sacrée. Les rituels de la vie sacrée peuvent être vus
comme un effort de l'homme pour s'allier à
son environnement, pour devenir « un » avec lui. »
De
mon point de vue, de telles cérémonies sont des formes de jeu dans
lesquels des aspects du monde naturel, personnifiés dans des
divinités deviennent des camarades de jeu.
Sur
l'échelle qui distingue les religions tolérantes et les religions
fondamentalistes de notre culture, celles des chasseurs-cueilleurs
apparaissent se trouver à l'extrémité du côté tolérant. Bien
que les chasseurs-cueilleurs trouvent un sens dans leurs histoires à
propos du monde des esprits, ils ne traitent pas les histoires comme
des dogmes. Des groupes qui sont voisins l'un de l'autre peuvent
raconter des histoires identiques de manière variée ou en raconter
d'autres complètement différentes qui contredisent des histoires,
personne ne s'offenserait. Les cérémonies sacrées d'un groupe
peuvent différer de l'un à l'autre et peuvent même varier
considérablement à travers le temps. Les parents
chasseurs-cueilleurs ne s'énervent pas lorsque leur enfant se mari
avec le membre d'un autre groupe où il adoptera les croyances et les
pratiques religieuses qui diffèrent du groupe où il a grandi. Pour
quitter un groupe et en joindre un autre avec des pratiques
religieuses différentes ressemble à celui qui quitte un groupe qui
jouait à un jeu pour rejoindre un groupe qui joue à un jeu
différent. Il semble y avoir une reconnaissance implicite parmi ces
personnes, que les histoires religieuses, bien que dans un sens,
soient importantes et même sacrées, ne sont à la fin que de
simples histoires.
Les
chasseurs-cueilleurs donnent de la valeur à leur croyance concernant
le monde des esprits mais ils ne laissent apparemment pas leurs
croyances interférer avec leur compréhension empirique du monde
physique dans lequel ils vivent. Voici un exemple de cela qui est de
nouveau fourni par Elizabeth Marshall Thomas. Quand on demanda d'une
manière terre à terre à Toma, un sage Jul'hoansi ce qui arrive aux
étoiles pendant la journée, il répondait naturellement, « Elles
restent là où elles sont. Nous ne pouvons pas les voir parce que le
soleil est trop brillant. » Mais à un autre moment, dans le
cadre religieux, Toma a répondu à la même question avec une
légende Jul'hoansi dans laquelle les étoiles sont des fourmi-lions
qui rampent dans le ciel la nuit et reviennent se cacher dans le
sable à l'aube du jour. Il n'était pas le moindre du monde
contrarié par les contradictions entre ces deux explications. Je
souhaiterais que toutes les personnes religieuses eussent la sagesse
de Toma quand on en arrive à des controverses aussi stériles que
sont celles de l'évolution face au créationnisme !
La
religion est un jeu sacré qui donne du sens à la vie quotidienne
Une
fonction générale de tout le jeu est de donner un sens à
la vie des personnes et de les aider à faire face au monde réel.
Comme je l'ai décris dans l'article
précédent, le jeu aide les enfants à saisir la réalité.
Jouer à être des sorcières et des trolls, par exemple, aide les
jeunes enfants à penser à comprendre des aspects de leur monde réel
qu'il serait difficile à appréhender sans cela. Cela est vrai même
si l'enfant reconnaît clairement que le monde du jeu est imaginaire,
qu'il n'est pas réel. En fait, le jeu ne servirait pas sa propre
fonction si l'enfant ne faisait pas la distinction.
Une
religion bien conçue offre une grande opportunité pour jouer tout
au long de la vie en permettant aux personnes d'utiliser les
structures à la base du jeu que sont les histoires, les croyances et
les rituels en les accompagnant de leurs propres additions et
modifications créatives qui permettent de donner du sens au monde et
à la vie réelle. Les histoires et les croyances peuvent être
comprises comme des fictions mais il s'agit de fictions sacrées
parce qu'elles représentent des idées et des principes auxquels les
personnes sont attachées et qui sont cruciaux pour leur permettre de
vivre dans le monde réel. Il n'est pas surprenant selon moi, que les
histoires et les croyances religieuses où qu'elles se trouvent sur
terre reflètent et élaborent des idées et des thèmes qui sont
cruciaux pour la société dans laquelle vit le pratiquant religieux.
Les chasseurs-cueilleurs dépendent du principe d'égalité et de
partage, il est donc normal que leurs divinités ne soient pas des
dirigeants mais des égaux qui contribuent et parfois échouent à
contribuer comme ils le devraient. Les chasseurs-cueilleurs dépendent
aussi des caprices de la nature, qu'ils ne peuvent pas contrôler, il
n'est donc pas surprenant que leurs divinités soient capricieuses.
La meilleure façon de faire face à l'imprévisible est par
l'humilité et l'humour, et leurs religions adoptent ces caractères.
Leur tâche est d'adopter la nature telle qu'elle se présente, non
pas de la contrôler et leurs jeux religieux avec les esprits du
monde naturels les aide à faire cela.
Avec
l'agriculture, la religion a changé. Les agriculteurs tentent de
contrôler la nature et ainsi les dieux de l'agriculture sont ceux
qui contrôlent les autres dieux. Avec l'agriculture, avec
l'appropriation de terre et l'accumulation de richesses qui
l'accompagne, l'égalitarisme a perdu son équilibre en voyant
l'émergence des concepts de seigneurs et maîtres d'un côté et les
serviteurs et les esclaves de l'autre. Il n'est alors pas surprenant
de voir que les concepts hiérarchiques du monde des esprits à
émergé dans les religions post-agricoles, avec un pic au Moyen Âge,
quand les religions monothéistes comme l'islam et le christianisme
sont devenue dominantes. À cette époque, la plupart des personnes
étaient des serviteurs, il était alors naturel que les histoires et
croyances religieuses portaient principalement sur les valeurs de la
servitude et du devoir à l'égard du seigneur et du maître, et que
Dieu était considéré comme étant le maître suprême, le roi des
rois, le seigneur des seigneurs. De telles croyances donnaient du
sens à la vie de servitude et aider les chefs à justifier leur
pouvoir.
La
religion tourne mal quand les éléments
du jeu son perdu
Lors
de l'évolution des religions (ou devrais-je dire leur non-évolution)
du panthéon comique des chasseurs-cueilleurs aux monothéismes
médiévaux, elles perdirent leur esprit ludique et devinrent plus
dangereuse. La nature devint un ennemi plutôt qu'un ami, et le monde
de l'esprit devint hiérarchique, les éléments de peur commencèrent
à submerger l'élément du jeu. Dieu devint non pas un partenaire de
jeu mais la source suprême de la punition et de la récompense, qui
se doit d'être vénéré, servi et craint. En devenant sérieuses,
les religions imaginaires commencèrent à être confondu avec le
monde réel par les personnes.
Si
les enfants qui jouaient aux sorcières et aux trolls ne savaient pas
qu'ils faisaient semblant, nous nous inquiéterons. Nous savons que
lorsqu'un enfant ne réussit pas à distinguer l'imagination de la
réalité, cela peut être dangereux. Nous devrions savoir que cela
est davantage vrai dans le cas des adultes et de la religion.
Les
religions qui ont émergé avec l'agriculture et le féodalisme ont
soutenu des horreurs qui auraient été inimaginables pour les
chasseurs-cueilleurs. Les Aztèques sacrifiaient les êtres humains à
leurs dieux en colère. Les chrétiens torturaient les personnes
qu'ils appelaient sorcières et païens pour finalement les
assassiner impitoyablement. Aujourd'hui, parmi certains groupes
d'Islamistes nous voyons ceux qui font la promotion du suicide à la
bombe, qui mettent leurs croyances religieuses au-dessus des intérêts
des personnes. Si le service à Dieu est ce qui possède la plus
grande valeur et si Dieu alors est redoutable, égoïste et
punissant, si les religions sont confondues avec la réalité, alors
toutes ces horreurs au nom de la religion sont possibles. La religion
de ce genre « ne nous rend pas humain » contrairement au
sens que j'établis dans le titre de cette série.
La
chose remarquable aujourd'hui est que notre société continue à
évoluer, et nos religions aussi. Alors que nous avons quitté l'âge
médiéval et entré dans une ère de démocratie croissante, de
nombreuses personnes ont repris le monothéisme de leurs ancêtres et
y on réintroduit l'esprit ludique. Dieu devient de nouveau un ami
plutôt qu'une puissance qu'il faut craindre. Les personnes arrêtent
de se disputer pour savoir quelle religion est la bonne. Ils
commencent à reconnaître que de tels arguments n'a pas plus de sens
que de savoir lequel du jeu d'échecs ou du jeu de dames est un vrai
jeu. Si cette tendance continue, nous pourrions compléter le cercle
et de nouveau apprécier la religion de la même façon que l'on fait
les chasseurs-cueilleurs.
Pour
garder la religion du côté de l'humanité plutôt que contre elle,
nous avons besoin de rafraîchir continuellement son esprit de jeu.
Le jeu sacré encourage le meilleur de notre nature humaine, améliore
notre bien-être et est amusant. La religion qui manque de jeu est
suicidaire.
------------
Notes
[1]
J'ai
appris depuis que bien sûr mes pensées sur la religion comme étant
un jeu ne
sont
pas originales.
Un nombre de théologiens hautement respecté ont déjà posé ces
idées à l'écrit. One
such book, for example, is David L. Miller's (1970)Gods
and Games: Toward a Theology of Play.
An interesting and relatively recent article on the topic is "Play
and Religion: Indication of an Interconnection," in the Journal
of the Asian Research Center for Religion and Social Communication, 2
(#1), 2004. There, K. P. Aleaz, an Indian scholar, makes a special
case for the playfulness of Hindu religions, which, more than most
other modern religions, have retained their historic folk-religion
roots.
[2]
An account of my conclusions from this immersion into the
hunter-gather literature can be found in my article, *Play
as the
foundation for hunter-gatherer social existence. American Journal of
Play, 1, 476-522, 2009(link is external).* Most of the ideas in
the present series of essays, on "Play Makes Us Human," are
presented there with documentation. In this essay I have repeated, in
parts of several paragraphs, some of the same language I used in
that larger article.
[3]
Mathias Guenther, "From Totemism to Shamanism: Hunter-Gatherer
Contributions to World Mythology and Spirituality,"
in R. B. Lee & R. Daly (Eds.), The Cambridge Encyclopedia of
Hunters and Gathers (1999), 426-433.
[4]
See, for example, Daisaku Tsuru, "Diversity of Ritual Spirit
Performances among the Baka Pygmies in Southeastern Camaroon,"
African Study Monographs, Suppl. 25 (1998), 47-83.
Publié
le 18 Juin 2009 par Peter Gray, traduit le 01 Octobre 2015 par
Michaël Seyne
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